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2011 G20 Finance Ministerials

Discours de M. le Président Nicolas Sarkozy :
ouverture du séminaire du G20 sur la réforme du système monétaire international

31 mars 2011, Nankin (Chine)
[English Version]

Mesdames et Messieurs, mes chers amis,
Monsieur le Vice-Premier Ministre,
Monsieur le Directeur Général du FMI,
Monsieur le Secrétaire Général de l'OCDE,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Gouverneurs,
Monsieur le Prix Nobel d'économie, cher Robert MUNDELL,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,

Je voudrais vous dire combien je suis heureux d'être parmi vous pour ouvrir ce séminaire sur la réforme du système international.

Je tiens à remercier le Président HU ainsi que l'ensemble des autorités chinoises de nous accueillir aujourd'hui à Nankin.

J'ai eu l'occasion d'évoquer avec le Président HU les priorités de la France pour la présidence du G20 hier encore lors de nos entretiens, et j'ai pu constater que nous partagions une même vision sur de nombreux sujets essentiels pour l'avenir.

Monsieur le Vice-Premier ministre, je vous remercie d'avoir accepté d'ouvrir ce séminaire.

Vous me permettrez d'avoir d'abord une pensée pour le peuple japonais dont nous sommes tous solidaires dans ce moment particulièrement difficile.

Cher Monsieur le Vice-Ministre TAMAKI, je vous prie de bien vouloir transmettre à votre Premier ministre l'expression de notre soutien et de notre solidarité.

Le sujet qui nous réunit aujourd'hui est crucial : construire un système monétaire international plus stable, plus résistant, c'est un immense enjeu et un enjeu collectif. C'est pourquoi j'ai souhaité, qu'en plus des cinq invités du G20, la Suisse, la Thaïlande et les Pays-Bas soient également associés à nos travaux.

Je remercie le Centre chinois pour les échanges économiques internationaux qui s'est mobilisé pour que cette rencontre ait lieu dans les meilleures conditions.

Je tiens à remercier l'ensemble des organisations internationales présentes, le directeur général du Fonds monétaire qui a un rôle essentiel à jouer dans cette réflexion. Et je salue la présence d'éminents universitaires.

Le G20 a démontré son efficacité dans la reprise. Naturellement, avec cette reprise, la tentation du chacun pour soi est forte. Dans la crise, l'exigence de coordination est forte. Dans la reprise, l'exigence de coordination est moins immédiate. Ma conviction, c'est que si nous perdons l'élan que nous avons insufflé au moment de la crise, le monde retombera inexorablement dans l'instabilité et dans les crises.

Rien ne serait pire, pour le G20, que de faire comme s'il ne s'était rien passé et de céder à la tentation du repli sur soi et du chacun pour soi. Et c'est particulièrement vrai dans le domaine monétaire. Il y a quelques mois, les commentateurs parlaient de guerre des monnaies. L'évolution quotidienne des marchés nous montre que la volatilité des monnaies reste une source de très forte instabilité.

La France a souhaité que la réforme du système monétaire international soit une priorité du G20.

Le système monétaire international dont nous avons hérité, fondé sur des taux de change flottants entre les grandes zones monétaires, a permis d'absorber de nombreux chocs : choc pétrolier, crise financière, crise de la dette. Il a aussi permis l'émergence de nouvelles monnaies de réserve. Je pense en particulier à l'euro qui est la deuxième monnaie de réserve dans le monde.

Mais en dépit de ces réussites, notre système monétaire international a montré ses limites. Il n'a pas empêché l'accumulation de déséquilibres internationaux toujours plus grands. En 10 ans, les déséquilibres de balance des paiements ont été multipliés par deux. En 10 ans !

Les mouvements internationaux de capitaux sont devenus plus volatils. Ils exposent les pays émergents à des retournements qui mettent en péril leur stabilité économique, sociale et même politique. Depuis 1990, le monde a connu 42 crises d'arrêt brutal des flux de capitaux, dans un pays ou dans une zone. Je veux poser cette question : comment les pays émergents peuvent-ils conduire leur politique économique quand ils sont confrontés, en moins de six mois, à des retraits massifs suivis d'entrées massives de capitaux ? Comment peut-on conduire une politique économique dans ces conditions ? C'est impossible.

Qui peut contester que la volatilité excessive des monnaies soit préjudiciable à la croissance et à la stabilité ? Ce mois de mars a encore été le théâtre d'une volatilité exacerbée sur le marché des changes, sans aucun lien avec les fondamentaux économiques. Le yen a subi des mouvements sans précédents -- au mois de mars --, atteignant son plus haut historique d'appréciation face au dollar depuis la Seconde Guerre mondiale. En à peine trois mois, la parité, cher Tim, euro/dollar est passée de moins de 1,30 à plus de 1,40 !

Je pose la question : quels changements dans les fondamentaux économiques peuvent-ils justifier des évolutions aussi brutales et aussi rapides des parités monétaires ? La réponse est simple : il n'y en a pas.

Pour faire face à cette instabilité, devant ce monde instable, qu'est-ce qui se passe ? Le besoin d'accumulation de réserves de change s'est accru. Mesdames et Messieurs, les réserves de change des banques centrales n'ont rien moins que doublé entre 2000 et 2009 pour atteindre aujourd'hui 6 500 milliards de dollars. Doublé depuis 2000 ! L'accumulation de réserves de change peut être justifiée dans certains cas, mais elle est très coûteuse. Elle trouve son pendant dans une offre d'actifs de réserve mal maîtrisée, pas assez diversifiée.

Face à cette situation qui est absolument incontestable, il y a deux réactions possibles : le chacun pour soi, et dans ce cas-là, ça sera la guerre des monnaies et la guerre des monnaies, ce sont de nouvelles crises ; soit la coopération et la coordination. Nous n'avons pas le choix. La guerre des monnaies, la crise ou la coordination et la coopération.

Le système monétaire international doit progressivement, Monsieur le Vice-Premier ministre, refléter les évolutions majeures de l'économie mondiale que nous avons constatées.

Les grands pays émergents du G20, vous représentez à vous seuls près d'un quart de l'économie mondiale. Dans 10 ans, vous représenterez 50% de l'économie mondiale. Le monde est multipolaire. C'est pourquoi j'ai tenu à ce que ce séminaire ait lieu en Chine. A ce monde économique multipolaire doit correspondre un monde monétaire multi-monétaire. Les pays émergents, c'est le quart de l'économie mondiale. Dans dix ans, vous serez la moitié de l'économie mondiale. Qui peut imaginer que l'économie change à ce point et que le système monétaire soit immobile ?

Le G20 a pris en compte ces évolutions en réformant la gouvernance des institutions financières internationales. Mais le G20 doit prendre en compte ces évolutions en modifiant l'organisation du système monétaire international.

Notre ambition, Mesdames et Messieurs, c'est que vous puissiez arriver à un diagnostic commun, car quand nous serons d'accord sur le diagnostic, alors nous pourrons élaborer ensemble des pistes de réforme.

Je veux être clair sur les idées que la présidence française du G20 souhaite promouvoir.

Il ne s'agit pas aujourd'hui de revenir vers un système de change fixe ou de change administré. Ce serait une erreur complète, ce serait prendre le risque d'ajustements brutaux et, in fine, pour les pays concernés, de la perte de l'autonomie de leur politique économique. Personne n'en veut.

Il est clair que nous devons évoluer vers un système de change plus flexible. Pourquoi plus flexible ? Pour qu'il puisse résister aux chocs de l'économie mondiale. Mais ce système de change flexible ne peut pas évoluer sans règles, il ne peut pas évoluer sans coordination, il ne peut pas évoluer sans surveillance, sinon c'est l'instabilité. Or, il n'y a pas de coordination, il n'y a pas de règles et il n'y a pas de surveillance. Sans règles, le système monétaire et financier international est incapable de prévenir les crises, les bulles financières, le creusement des déséquilibres. Sans règles, sans surveillance, le monde sera condamné à des crises récurrentes de plus en plus sévères et de plus en plus graves. Depuis 10 ans, la volatilité de la croissance a été multipliée par deux.

C'est parce que nous souhaitons évoluer vers plus de flexibilité des taux de changes que nous devons fixer de nouvelles règles de fonctionnement au système monétaire international. Et si vous ne vous en occupez pas, personne ne le fera à votre place, à notre place. Et si on ne s'en occupe pas maintenant, nous serons obligés de nous en occuper quand il sera trop tard, c'est-à-dire en plein cœur de crises majeures du système international.

Alors cela exige quoi ? D'abord une coordination de nos politiques économiques au sein du G20. Parvenir à réduire les déséquilibres importants, c'est tout l'enjeu du Cadre pour une croissance forte, soutenable et équilibrée que nous avons défini à Séoul.

À Paris, au mois de février, sous la présidence de Christine LAGARDE, à laquelle je veux rendre hommage, un accord a été trouvé sur les indicateurs de déséquilibres. En avril, à Washington, cher Tim, nous discuterons des « lignes directrices ». Et que personne ne doute de la volonté de la présidence française de continuer à avancer sur ce chemin.

Je souhaite que nous puissions nous mettre d'accord rapidement sur des méthodes. Et la méthode, cela ne veut pas dire s'insulter les uns les autres, cela ne veut pas dire se reprocher les uns les autres, cela veut dire comprendre les problèmes de chacun et savoir qu'il n'y a de salut que tous ensemble, pas les uns contre les autres. À Cannes, au Sommet du G20, je souhaite que nous nous mettions d'accord sur une stratégie concertée.

Au-delà, je suis convaincu que la surveillance exercée par le FMI doit non seulement porter sur les politiques économiques nationales, mais aussi sur leur impact sur les autres pays, en particulier par le canal financier.

La libéralisation des mouvements de capitaux comme la flexibilité des changes sont un des acquis des 20 dernières années.

Les mouvements de capitaux, qui permettent d'assurer l'allocation efficace du capital, s'accompagnent de risques plus élevés de retraits ou d'entrées massives de capitaux qui peuvent se révéler déstabilisateurs.

Chacun peut être tenté de s'en protéger par des mesures unilatérales. Au fond, nous devons éviter deux écueils. Le premier, c'est la croyance naïve que la libéralisation des mouvements de capitaux suffit à l'équilibre économique, quelles que soient les circonstances. La France ne partage pas cette analyse.

Souvenons-nous que la crise en Asie à la fin des années 1990 a résulté exclusivement d'une libéralisation à marche forcée et, qu'il me soit permis de le dire, une libéralisation doctrinaire des flux financiers !

L'autre écueil à éviter, c'est le risque qu'une multiplication de mesures unilatérales, précipitée par les temps de crise, n'aboutisse à un nouveau protectionnisme financier dont toutes les économies souffriraient.

Nous éviterons ces écueils en adoptant résolument la voie du multilatéralisme, la voie d'un libéralisme coopératif et vigilant. Un code de bonne conduite, des lignes directrices, un cadre commun régissant la possibilité de mettre en œuvre des contrôles de capitaux en cas de besoin, doivent fixer les conditions dans lesquelles des restrictions aux mouvements de capitaux sont légitimes, efficaces et adaptées à une situation.

Si nous nous accordons, Mesdames et Messieurs, sur ces règles, mais ce sera une évolution majeure de la doctrine du FMI, au bénéfice des pays émergents qui souffrent de la volatilité excessive des mouvements de capitaux. Mais est-il raisonnable aujourd'hui, compte tenu de l'impact croissant des mouvements de capitaux, que le FMI ne puisse faire des recommandations à un pays que sur sa balance des paiements courants et non pas sur la balance des capitaux ? J'aimerais qu'on m'explique pourquoi serait légitime une recommandation sur l'un et illégitime, une recommandation sur l'autre. Un élargissement de la surveillance du FMI à ces domaines me semble indispensable. À terme, la France -- je le dis -- est favorable à une modification des statuts du FMI pour élargir sa capacité de surveillance. Car si nous décidons plus de coordination, plus de règles, plus de surveillance, il faut bien que nous décidions quelle sera l'instance en charge de mettre en œuvre ces règles et cette surveillance. Pour la France c'est clair, c'est le FMI.

La crise de 2008 nous a montré à quel point la liquidité était indispensable pour assurer le bon fonctionnement de l'économie mondiale. Qu'elle disparaisse, et c'est l'ensemble de notre système qui est mis en péril. Je suis convaincu que la réforme du système monétaire international est le prolongement naturel de la réforme du système financier international que nous avons engagée avec le cadre prudentiel Bâle III. A quoi cela sert-il de faire Bâle III, si on ignore le système monétaire ? Mais qui peut croire que réguler le marché financier est suffisant sans se préoccuper du système monétaire ? Cela n'aurait aucun sens.

Alors nous avons pris des décisions : les accords de coopération monétaire, l'allocation exceptionnelle de 250 milliards de dollars de DTS, la troisième de l'histoire du FMI. Je veux rendre hommage, d'ailleurs, à la présidence coréenne.

Mais nous devons aujourd'hui nous donner les moyens de consolider ces avancées.

Il s'agit de nous poser certaines questions. Est-ce que les instruments de liquidité à notre disposition sont adaptés ? Tout le monde sait qu'on a besoin de liquidités, mais est-ce que les instruments d'aujourd'hui sont adaptés ? Qui pourrait répondre oui ? Sont-ils suffisamment flexibles ? Qui s'aviserait de répondre oui ? Sont-ils réversibles ? Faut-il créer d'autres éléments de liquidité ? Faut-il les élargir pour être à même de répondre à une crise systémique qui toucherait toute une région et non pas un pays ?

Au cours des années récentes, des accords régionaux de soutien à la liquidité ont été créés. Je pense à l'initiative Chiang Mai en Asie, mais plus récemment aux instruments de la zone Euro. Nous-mêmes les pays de la zone euro, qu'est-ce que nous avons fait si ce n'est nous mettre ensemble pour créer de la liquidité et répondre à la crise ?

Je souhaite que les organisations internationales et les banques de développement amplifient leurs actions.

Nous devons également faire en sorte que l'accumulation de réserves de précaution que nous constatons dans plusieurs régions du monde devienne moins nécessaire. Je veux dire qu'il y a un risque de pénurie d'actifs de réserve. Nous l'avons vu dans la crise, des allocations exceptionnelles et contingentes de DTS peuvent être efficaces. Mais il me semble qu'il serait utile de doter le FMI de la capacité de s'endetter sur les marchés pour faire face à des besoins de financement des pays en cas de crise -- avec tous les garde-fous nécessaires pour protéger les ressources du Fonds.

Nous devons accompagner l'internationalisation inéluctable des grandes monnaies mondiales. Mais il ne s'agit pas bien sûr, cher Tim, de remettre en cause le rôle éminent du dollar ce serait inconséquent, personne n'y pense --, de même que le rôle de l'euro, qui doivent être des monnaies stables. Mais l'internationalisation de certaines autres monnaies est déjà une réalité, Monsieur le Vice-Premier ministre ; je pense bien sûr au yuan et je salue l'ambition des autorités chinoises dans ce domaine.

Mais n'est-il pas temps aujourd'hui, de s'accorder sur le calendrier de l'élargissement du panier du DTS à de nouvelles monnaies émergentes, comme le yuan ? Qui pourrait contester le rôle majeur du yuan dans le fonctionnement du système monétaire international ? Hommage est ainsi rendu à la puissance économique et à la puissance politique de la Chine, grande puissance monétaire.

Enfin, les événements récents au Japon nous démontrent encore l'importance de la coordination internationale en matière de taux de change. L'action du G7, chère Christine, sur le yen a permis de contrer une spéculation déconnectée des fondamentaux qui menaçait d'accroitre les difficultés de nos amis Japonais alors qu'ils sont confrontés à des événements d'une rare gravité. C'était inadmissible, ce qui s'est passé.

Les interventions concertées constituent un moyen de sauvegarde indispensable du système monétaire international contre les déviations et la volatilité excessive. C'est bien sûr un instrument de dernier recours, mais il n'est efficace que s'il est utilisé de façon coordonnée.

Le G7 existe pour cela. Mais la Chine ne fait pas partie du G7. Et est-il normal que nous n'ayons pas une instance où toutes les grandes puissances monétaires pourraient parler ensemble du système monétaire international ? Est-ce qu'il n'est pas venu le temps de l'imaginer ?

Mesdames et Messieurs,

Afin que 2011 puisse marquer une étape décisive dans la réforme du système monétaire international, la présidence française du G20 attend beaucoup de vos débats. J'ai bien conscience que nous ne résoudrons pas tous les problèmes en un an, et le Vice-Premier ministre a raison, mais nous devons avancer dès aujourd'hui si nous voulons éviter de nouvelles crises ou de nouveaux sommets où les pays en excédent s'opposent aux pays en déficit, où les pays en déficit dénoncent les pays en excédent. Qu'est-ce qu'il y a à attendre de ces discussions ? Rien. Rien, si ce n'est de nouvelles crises. Le G20 de Séoul nous a confié un mandat, dont je suis comptable en tant que président du G20. Je sais que c'est difficile, je sais qu'on ne réforme pas un système qui date de Bretton Woods comme cela, mais, Mesdames et Messieurs, si on ne s'en occupe pas, personne ne s'en occupera. Si on ne le fait pas maintenant, ce sera encore beaucoup plus difficile de le faire demain. Mettons-nous d'accord sur un diagnostic, commençons à travailler ensemble et c'est parce que nous coordonnerons nos politiques que nous pourrons respecter notre souveraineté sur nos économies. Et c'est parce qu'il n'y aura pas de coordination qu'il y aura la pression de la spéculation et des crises, et que c'est là, alors, que sera mise en cause la souveraineté sur nos économies. Vous le voyez, la France fixe à votre séminaire une grande ambition, mais la qualité de la participation, je suis sûr, permettra d'obtenir de grands résultats.

Je vous remercie.

Source: Présidence française du G8-G20

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